Le Moustique tigre

Un nouvel arrivant dont il faut se prémunir

En expansion rapide depuis le Sud-Est, le Moustique tigre (Aedes albopictus) a colonisé plus des deux tiers des départements de métropole. Or, outre la nuisance classique imputable aux moustiques, cet insecte est un « vecteur potentiel » : dans certaines conditions particulières, il peut notamment transmettre les virus de la dengue, du chikungunya et Zika. Il est donc important d’apprendre à le reconnaître et d’adopter les bons gestes qui permettront de minimiser le risque de transmission.

Un moustique discret et aux mœurs atypiques

Comment reconnaître le Moustique tigre ?

Le seul critère de reconnaissance vraiment fiable est la bande blanche qui court sur la tête et le thorax : le critère des pattes rayées de noir et blanc ne suffit pas. Mais cette bande étant peu visible, on identifie l’espèce en combinant deux conditions essentielles : un corps minuscule (bien plus petit qu’une pièce de 1 centime) et un aspect général noir ponctué de blanc.

Source photo : moustique-tigre.info

Comment est-il arrivé en France ?

Il est arrivé en 2004 dans les Alpes-Maritimes, par « transports passifs » (voiture, bus ou train), en traversant la frontière depuis l’Italie, pays dans lequel il s’était installé il y a plus de deux décennies a priori « grâce » au commerce des pneus rechapés : ne les réparant souvent pas nous-mêmes, nous les expédions en Asie. C’est ainsi qu’ils nous seraient revenus… avec le Moustique tigre, qui aurait profité de l’eau accumulée dans les pneus transportés à ciel ouvert pour pondre.
Au 1er mai 2020, on trouvait l’espèce dans 58 départements métropolitains, avec une avancée spectaculaire par le couloir Rhône-Saône. Au 1er janvier 2023 : 71 départements, et 78 au 1er janvier 2024. Sa progression vers le nord, et à terme la colonisation de l’ensemble du pays, semble inéluctable, car favorisée par la mondialisation des échanges et le réchauffement climatique. Originaire d’Asie du Sud-Est, le Moustique tigre a gagné les cinq continents, ce qui lui vaut d’ailleurs d’être classé parmi les 100 espèces les plus envahissantes du monde.

Dans quels milieux vit-il ?

Le Moustique tigre est considéré comme un moustique « urbain », à la différence de nombreuses espèces vivant dans les marais et étangs. Il faut entendre par là qu’il se développe dans de minuscules pièces d’eau, souvent des récipients : 3 millilitres d’eau lui suffisent, soit par exemple un bouchon de bouteille renversé et exposé à la pluie… La limite haute correspond aux récupérateurs d’eau de pluie.
On trouve désormais le Moustique tigre dans de nombreux « noyaux urbains » du pays, même petits (villages, hameaux…). Les adultes sont visibles dès mars-avril et jusqu’en novembre-décembre, selon les températures hivernales : les hivers avec plusieurs jours de gelée consécutifs sont donc fortement souhaitables ! Pour autant, la femelle dépose ses œufs à proximité immédiate de l’eau ; s’ils ne sont pas immergés, ils peuvent résister plusieurs mois – jusqu’à 2 ans – à des périodes de sécheresse, un peu à la manière des graines qui attendent le moment opportun pour germer ; c’est ce qu’on appelle la « diapause », dont la levée chez le Moustique tigre dépend aussi de la photopériode (rapport entre la durée du jour et la durée de la nuit) : les journées hivernales, courtes, sont défavorables aux éclosions. Une femelle pond un peu moins de 1 000 œufs dans sa vie (moins d’un mois), à raison de 4 pontes comptant chacune environ 200 œufs.

Ma mare et mon ruisseau sont-ils concernés ?

Une mare est en général trop grande pour le Moustique tigre, car cette espèce se révèle fort peu compétitive face aux autres espèces concurrentes et aux prédateurs : les « libellules », larves de Coléoptères (dytiques…) et Amphibiens en particulier (grenouilles, crapauds, tritons, salamandres) sont de grands consommateurs d’invertébrés indésirables. Nos Amphibiens étant très menacés et tous protégés, il est important de les préserver et les favoriser.
Les ruisseaux ne produisent pas de Moustique tigre : ce gîte larvaire n’est pas compatible avec l’écologie de l’espèce. Toutefois, d’autres espèces de moustiques peuvent coloniser les ruisseaux (Culex pipiens, Culex hortensis, Culiseta longiareolata, etc.).

Les moustiques, des pollinisateurs sous-estimés

Oui, les moustiques sont les animaux les plus meurtriers de la planète : ils causent plus de 700 000 morts par an. Mais il en existe environ 3 500 espèces, dont beaucoup ne prélèvent pas de sang. Chez les espèces hématophages, seules les femelles piquent et prennent des « repas de sang ». Pour autant, le sang ne leur est nécessaire que pour obtenir les protéines nécessaires à la maturation de leurs œufs. Le reste du temps, toutes les femelles moustiques… butinent les plantes à la recherche de sucre végétal, au même titre que les papillons ou les abeilles ! Quant aux mâles, qui ne piquent pas, ils jouent exclusivement les pollinisateurs. Le sucre recherché se présente le plus souvent sous forme de nectar, mais aussi de miellat, déchet sucré excrété par les insectes suceurs de plantes comme les pucerons. Des recherches menées en 2019 ont permis de découvrir que les constituants olfactifs de certaines fleurs dont se nourrissent les moustiques sont présents chez les humains. Les moustiques confondraient ainsi l’odeur de ces fleurs avec la nôtre, et leur attrait pour le sang serait le résultat d’une évolution à partir d’une alimentation florale.
Enfin, n’oublions pas que les moustiques sont à la base des différentes chaînes alimentaires. Certains habitent même des milieux à la biodiversité exceptionnelle ! C’est pourquoi, à l’heure où les écosystèmes et les populations de pollinisateurs s’effondrent, une lutte ciblée contre les espèces de moustiques responsables de la propagation des agents pathogènes s’avère primordiale.

Physionomie du moustique-tigre

Se prémunir contre les maladies : l’action incontournable sur les petites pièces d’eau

Pourquoi le Moustique tigre est-il problématique ?

Si la piqûre du Moustique tigre constitue une nuisance au même titre que les autres espèces de moustiques (il peut causer des « boursouflures » assez importantes, car nous n’y sommes pas encore habitués), il est un sujet de santé publique en tant que vecteur potentiel (il n’y a pas de transmission du virus aux générations suivantes) de 3 maladies : le chikungunya, la dengue et Zika, ainsi que potentiellement les virus de la fièvre jaune, du Nil occidental et Usutu. Il n’est par contre pas vecteur du paludisme, véhiculé par les anophèles.

À l’occasion d’un voyage dans un pays où l’une de ces trois maladies circule, une personne peut se faire piquer par un moustique infecté par un de ces virus (on parle de « cas importé »). À son retour en métropole, cette personne malade peut être à nouveau piquée par un Moustique tigre sain. Ce moustique, nouvellement infecté après quelques jours de réplication du virus, pourra alors le transmettre à une autre personne saine en la piquant (on parle alors de « cas autochtone »). En effet, lors de la piqûre, le Moustique tigre injecte de la salive dans sa victime pour fluidifier le sang ; c’est cette dernière qui est contaminante. Les pouvoirs publics, et notamment les agences régionales de santé (ARS) souhaitent donc éviter à tout prix une épidémie de grande ampleur.

Traquer les larves et nymphes aquatiques

Il est nécessaire d’adopter les bons réflexes pour éviter toute propagation de ces maladies. Le seul moyen vraiment efficace repose sur la vigilance de chacun : les particuliers doivent « traquer » les gîtes larvaires, à savoir ces pièces d’eau minuscules où se développent les larves et nymphes du Moustique tigre, pour casser le cycle de reproduction de l’espèce : en les vidant au maximum tous les 5 jours, vous empêcherez la larve et la nymphe – strictement aquatiques – de se transformer en adulte.

Apprenez à reconnaître, vider ou supprimer tous les petits contenants !

Il faut entendre par là même les endroits les plus insoupçonnés : jouets, déchets, sous-pots de fleurs (nombreux dans les cimetières), etc., sont des gîtes larvaires de choix pour le Moustique tigre. Pour les sous-pots, l’astuce consiste à les remplir de sable ou de graviers afin qu’il n’y ait plus de colonne d’eau visible – la plante profitera malgré tout de l’eau versée dans le sable. De même, bâchez de façon parfaitement étanche vos récupérateurs d’eau, et si vous possédez une terrasse à plots vérifiez que l’eau ne stagne pas dessous à votre insu ! Car le Moustique tigre est surtout actif sur les marges de la journée (quasiment pas la nuit), quand vous prenez l’apéritif dehors entre amis…

Mieux que la « fête des voisins » ?

Soyez convaincu(e) que toutes ces actions ne seront pas vaines, car le Moustique tigre a un point faible : volant mal, il ne s’éloigne jamais de plus de 200 mètres de son lieu de naissance. Il est donc possible de diminuer très fortement la nuisance et les risques de maladie si l’on agit à son niveau et en fédérant ses voisins. Le Moustique tigre, un nouveau vecteur de lien social ?

Zika, dengue, chikungunya : des maladies graves sur le sol français

Comme les virus de la dengue, le virus du chikungunya, ou « maladie de l’homme courbé », occasionne de très fortes douleurs musculaires et articulaires (associées à une raideur), fièvre élevée, maux de tête, éruptions cutanées… Des formes graves existent, notamment chez les personnes « fragiles ». Le virus Zika est le plus souvent asymptomatique, même s’il peut se manifester comme la dengue ou le chikungunya ; de plus, il peut provoquer une microcéphalie chez le fœtus de la femme enceinte.

Le changement climatique joue un rôle-clé en facilitant la propagation des moustiques vecteurs. Le nombre de cas de dengue dans le monde a ainsi explosé, passant d’environ un demi-million en 2000 à 5,2 millions en 2019. Des épidémies de grande ampleur se sont déclenchées en 2005-2006 sur l’île de La Réunion (chikungunya), et en 2014 et 2016 aux Antilles (chikungunya et Zika). Plus près de nous, il y a eu en 2018 36 cas de dengue et chikungunya « rapportés » de l’étranger en Occitanie, sans qu’une épidémie ne se déclenche. En 2014/2015 et 2018, 3 foyers de 3 à 12 cas autochtones (dengue ou chikungunya) ont été comptabilisés en territoire occitan. En octobre 2019, deux cas autochtones de Zika ont été signalés pour la première fois en France (voire en Europe), dans le Var. Durant l’été 2022, 65 cas autochtones de dengue ont été répertoriés en France métropolitaine (51 dans le Var et les Alpes-Maritimes, 12 en Occitanie et 2 en Corse), soit la plus grande épidémie de dengue connue. Par « autochtone », il faut entendre que les personnes n’avaient pas voyagé et ont été contaminées sur le sol métropolitain par des Moustiques tigres infectés.

Mésanges et chauves-souris, des insectivores à favoriser !

Les chauves-souris de France métropolitaine sont toutes insectivores, et protégées en raison des graves menaces qui pèsent sur elles et qui ont affecté leurs populations. Une seule chauve-souris partant en chasse une nuit peut ingurgiter jusqu’à… 3 000 moustiques ! Quant aux mésanges, il a par exemple été montré qu’elles ont un impact non négligeable sur les populations de chenilles processionnaires, qu’elles mangent en allant les chercher parfois jusque dans leurs cocons !

Même si ces prédateurs ne cibleront pas en priorité le Moustique tigre, très petit et donc peu intéressant d’un point de vue énergétique, n’hésitez pas à les favoriser en fabriquant (nombreux tutos sur internet) ou achetant (notamment auprès de certains Esat) des nichoirs.

2024 : des cas de dengue en forte augmentation

Entre le 1er janvier et le 19 avril 2024, 1 679 cas de dengue importée ont été notifiés à Santé publique France, contre 131 sur la même période en 2023. Sur cette période, 82 % des cas reviennent des Antilles françaises.

Se prémunir contre les maladies : les actions complémentaires

Des dispositifs variés… et plus ou moins fiables

La moustiquaire est le moyen mécanique de protection le plus fiable, et le ventilateur empêche souvent le Moustique tigre de se poser. Quant aux huiles essentielles souvent invoquées, le pouvoir répulsif de certaines (géranium rosat, eucalyptus citronné) semble avéré jusqu’à quelques heures. Mais attention aux potentielles allergies : les huiles essentielles sont très souvent photosensibilisantes.

Du côté des pièges, attention ! Parmi les pièges émettant un mélange d’odeurs simulant la présence humaine, les pièges à CO2 « artificiel » se basent sur l’attrait des moustiques pour le CO2 (dioxyde de carbone) que nous dégageons en respirant. Ils sont malheureusement moins attractifs que ce dernier, et doivent de plus bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’Anses. Il serait de plus peu judicieux d’accentuer le dérèglement climatique !

Par contre, les pièges électriques basés sur une combinaison de signaux visuels et olfactifs, imitant des courants de convection d’un corps chaud humain et libérant un imitateur d’odeur de peau humaine, peuvent constituer une solution complémentaire pour lutter contre les moustiques en ville. Leur prix reste toutefois sans commune mesure avec les bons gestes cités plus haut… Enfin, les « pièges pondoirs » complètent l’offre : ils ciblent les femelles gravides en recherche d’un endroit pour pondre. Attirées par l’eau disposée au fond du piège, elles sont retenues prisonnières entre un filet et une surface adhésive où elles se collent et meurent. Dans tous les cas, les allégations apposées sur certains dispositifs du type « zéro nuisance » ou « maison sans moustique » ne doivent pas figurer sans que la preuve de ce qu’ils revendiquent ne soit établie.

Prédateurs introduits : une « solution » à haut risque

Certains poissons exotiques sont « larvivores », comme le Poisson rouge, le Gambusie et le Guppy. Dans le cas d’un bassin fermé ou d’un récupérateur d’eau sans prédateurs naturels, leur introduction peut être envisagée avec précaution. Il ne faut par contre JAMAIS rejeter ces poissons dans le milieu extérieur, car ils mangeront aussi les œufs et larves des Amphibiens et autres prédateurs naturels, tout en développant un caractère envahissant. Le risque de graves désordres écologiques est ainsi reconnu depuis 2009 par l’OMS, qui recommande d’utiliser en priorité des espèces insectivores locales. Enfin, si de nombreuses études montrent que les Guppys mangent les larves de moustiques dans les containers où on les a testés, aucune n’a prouvé qu’ils réduisent dans la nature le nombre de moustiques adultes, ni qu’ils réduisent le risque de transmission des maladies véhiculées par ces moustiques…

Les méthodes de lutte à grande échelle

L’utilisation de produits chimiques de synthèse est interdite en France, à l’exception de la deltaméthrine. L’usage de cette molécule synthétique dérivée du pyrèthre, très toxique pour les animaux (dont les humains), est limité aux cas avérés, pour empêcher que les Moustiques tigres ne piquent les malades et ne transmettent ensuite le virus aux voisins. De plus, les insecticides entraînent une résistance chez les moustiques : aujourd’hui, les moustiques résistants finissent par mourir, mais à des doses bien plus élevées qu’autrefois (facteur 100), ce qui n’est pas sans conséquence sur notre propre santé.

De même, la pulvérisation aérienne de produits est interdite par la directive européenne 2009/128/CE, ainsi que par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010. Des dérogations peuvent être accordées, par exemple sur le littoral méditerranéen à l’Entente interdépartementale de démoustication pour pulvériser le Bti (Bacille de Thuringe souche israenlensis, une bactérie dévorant les larves de toutes les espèces de Diptères) sur les étangs littoraux. Cette méthode aérienne, efficace sur de grandes surfaces, ne l’est pas pour le Moustique tigre car la probabilité que le Bti atteigne des pièces d’eau minuscules est elle-même… minuscule ! Par contre, le Bti est disponible à la vente pour traiter de petites surfaces ; il doit être réservé aux petites pièces d’eau artificielles car il est peu sélectif : il s’attaque à toutes les larves de Diptères et ses effets sur les écosystèmes sont encore peu étudiés.

La technique de l’insecte stérile (TIS) consiste à relâcher un grand nombre de mâles rendus stériles par irradiation en laboratoire, afin que les œufs issus de leur accouplement avec des femelles sauvages ne soient pas viables. Des essais prometteurs ont été effectués en 2021 (Hérault) et en 2022 (île de La Réunion) ; un élevage massif est même envisagé pour 2028. Toutefois, une étude publiée en 2019 dans la revue Nature sur les conséquences des lâchers de moustiques génétiquement modifiés au Brésil a conclu que de nombreux descendants ont été observés et qu’ils étaient plus résistants. Sur le même principe, le lâcher de Moustiques tigres contaminés par la bactérie Wolbachia, qui les empêche de transmettre les virus qu’ils transportent, est à l’étude.

Ressources sur le Moustique tigre

Attention aux sites commerciaux qui ne disent pas leur nom, ainsi qu’aux applications non reconnues par les autorités sanitaires !

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